dimanche 17 février 2013

Les désirs d'enfants (1)

Du "mariage pour tous" ne naîtront que des enfants de l'Etat


La PMA / GPA est au coeur du projet de "mariage pour tous"

Quelle différence réelle concrète (et non symbolique) y a-t-il entre un mariage ouvert aux couples homosexuels et le pacs ?  à la lecture de ceci ... eh bien pas grand-chose, hormis que l'adoption est une démarche uniquement personnelle dans le cadre du pacs, la filiation n'étant pas établie avec le partenaire pacsé. L'adoption plénière est réservée aux couples mariés.

L'adoption plénière est comprise dans le projet de mariage. Si on ne peut pas réserver le mariage aux couples hétérosexuels, il n'y a guère d'arguments pour leur réserver l'adoption plénière.

Mais des enfants à adopter, il y en a très peu en France, et les couples homosexuels (hommes ou femmes) ne seront peut-être pas si bien reçus dans les orphelinats d'Ethiopie ou du Vietnam qu'ils le sont à l'Elysée.
La PMA et la GPA sont donc très logiquement également réclamés par les porteurs du projet, sous peine de voir celui-ci vidé de son sens dans la pratique.




La PMA/GPA nécessite la redéfinition de la filiation 


La rhétorique nécessaire à faire passer la revendication à la PMA/GPA pour un droit bafoué est à la fois fausse dans ses principes et dangereuse dans son application.

Le discours s'articule sur une double affirmation implicite
- du droit au statut de parent pour tous les couples ;
- de la possibilité pour l'Etat d'être à la source du lien de filiation.

On a beaucoup parlé du "droit à l'enfant" - expression odieuse à tous égards mais plus spécialement dans sa réduction de l'enfant à la satisfaction du désir des adultes. Beurk ! Pour ne pas répéter ce que d'autres en ont déjà dit, ainsi que sur ses dérives possibles, je vous renvoie à l'excellent article d'agoravox .


En revanche le deuxième point ne fait pas tant l'objet de critiques de fond.
Il pose problème parce que la filiation est quelque chose de tellement naturel qu'on y réfléchit assez peu. Après tout, on n'a pas attendu l'Etat pour faire des enfants ou inventer la vie de famille. Le risque est donc de ne pas prendre cette affirmation au sérieux.

En fait ce point est absolument nécessaire au projet, sinon tout le projet de loi devient sans objet. En effet, si l'Etat n'est pas la source du lien de filiation, alors la seule source qui reste est la réalité biologique. Retour à la case départ, il faut un homme et une femme pour faire un enfant ; pour le reste des revendications des couples homosexuels, le pacs est suffisant.

Donc quand  Madame Najat Vallaud-Belkacem (NVB) s'engage pour la gestation pour autrui, elle sait qu'elle doit d'abord faire de la filiation une affaire purement conventionnelle, c'est pourquoi elle n'y va pas avec le dos de la cuillère :
Parenté et filiation n’ont rien de naturel, ce sont des liens institués. Ce ne sont pas les liens génétiques mais la manifestation de la volonté d’être parent, l’engagement irrévocable, et la réalité d’une vie de famille qui font d’une personne un parent. Ce n’est pas le fait de porter un enfant qui fait d’une femme la mère de cet enfant, mais le fait de le vouloir, de s’engager à l’élever et de s’y préparer.

NVB est-elle comique ...

Commençons par mon préféré : tellement énorme 
Parenté et filiation n’ont rien de naturel, ce sont des liens institués. 
Cette affirmation est bien entendu totalement fausse. 
Et il est très simple de démontrer qu'elle est fausse, parce que parenté et filiation existent dans la nature, avant toute civilisation et avant même le langage.
Les animaux montrent en effet un instinct parental qui ne s'applique qu'à leurs petits quand ils en ont, et qui peut même se reporter sur des petits adoptés, quelquefois même d'une espèce différente. Même l'adoption est instinctive, donc naturelle.
L'homme est un animal, fût-il doué de raison. Il a des instincts. L'instinct parental est évidemment utile à la survie de notre espèce - et pour plus qu'aucune autre étant donnée la vulnérabilité particulière du bébé humain. 

Nous n'avons évidemment jamais perdu cet instinct, et toutes nos institutions culturelles autour de la filiation et de la parentalité sont basées sur la reconnaissance de ces instincts comme fondements de la vie familiale.

C'est une réalité qui dérange Mme Vallaud-Belkacem ; elle se contente donc de la nier en comptant sur la crédulité de son auditoire et la mauvaise foi des professionnels du relais médiatique.

... en fait non, et elle fait même froid dans le dos

Moins marrante parce que plus inquiétante, la suite est organisée comme un texte de loi : la définition de ce qu'est un parent, les conditions qui devront être remplies pour prétendre au statut de parent 
- "manifestation de la volonté d'être parent" (ou "le fait de le vouloir") 
- "l'engagement irrévocable" ( "de s'engager à l'élever")
- "la réalité d'une vie de famille" ( "de s'y préparer")
La répétition de la structure nous montre que ce n'est pas un hasard de la rhétorique. NVB sait parfaitement ce qu'elle écrit ... et ce qu'elle décide de ne pas mentionner, en particulier la filiation biologique.

Le projet n'est pas de mettre en place un équivalent de la filiation biologique, mais bien de supprimer celle-ci comme fondement de l'identité au profit de la seule filiation conventionnelle. La logique est rendue absolument nécessaire par la GPA: dans celle-ci la mère porteuse n'est plus rien qu'un moyen de production, elle n'a aucun droit sur l'enfant - et on lui dénie même le droit d'en désirer.

Mais cela peut aller beaucoup plus loin dans l'absurde : qui rend publique "la manifestation de la volonté" ? qui valide "l'engagement irrévocable" ? qui juge de la "réalité d'une vie de famille" ?  Voyons voir ...  l'Etat ? 

La dérive totalitaire

Et voilà : la loi porte en elle le rôle pour l'Etat, non plus de reconnaître publiquement la paternité ou la maternité, mais de l'accorder, selon des critères administratifs, y compris pour les enfants biologiques de couples hétérosexuels. Bref pour devenir parent il faudra la permission de l'Etat. 

C'est la conséquence directe de l'application de la loi et des principes du droit. Car voici ce qui va se passer :

Dans un premier temps la loi n'autorisera la PMA et la GPA que pour les couples mariés. Et les enfants légaux seront les enfants des couples mariés, qu'ils soient le fruit d'une production ou d'une reproduction.
Jusque-là, on n'a "que" les dérives de la marchandisation des corps et de l'exploitation des femmes pauvres.

Mais puisque les couples hétérosexuels peuvent également faire des enfants en dehors des liens du mariage, comment pourra-t-on refuser la PMA/GPA aux homosexuels qui y auront droit dans le cadre du mariage ? 
Comment croire qu'on pourra lier pour les couples homosexuels la filiation à une fidélité et une stabilité qui n'est plus attendue des couples hétérosexuels ?

La loi pourrait-on dire, sauf que le principe d'égalité devant la loi donnera justement aux homosexuels le droit de se plaindre de discrimination puisqu'on exigera d'eux pour être parents des conditions que les couples hétérosexuels n'ont pas à respecter (manifestation de volonté, engagement, réalité de vie de famille). L'Etat sera conduit en toute logique  
- soit à valider la filiation des enfants présentés par n'importe quel couple homosexuel, marié ou non ;
- soit à restreindre la liberté de se reproduire, par ex. en conditionnant les aides familiales aux seuls enfants - biologiques ou non - pour lesquels les parents auront reçu l'agrément de l'Etat.

Puisqu'un couple homosexuel n'est pas égal à un couple hétérosexuel sur le plan de la reproduction, toute loi qui prétend les rendre égaux y compris sur la filiation ne peut que créer des situations "d'injustice" et de souffrances liées à des désirs inassouvis car basés sur un droit inapplicable. Situations que l'Etat sera toujours  appelé à résoudre.

Une dérive qui ne date pas d'hier

Et il faut supposer que l'Etat préférera encadrer la reproduction, car il a en charge l'ordre public. Il deviendrait alors de ce fait la source de toute relation de filiation. Cette tentation pour l'Etat de s'ériger en seul parent de tous les individus se comprend très bien dans la continuité de notre histoire récente, où nous déconstruisons tout ce qui faisait de notre société une chose ancrée dans des réalités anthropologiques et sociétales - la biologie, la culture, la langue, le sexe, mais aussi les traditions, les religions, les corporations ; pour les remplacer par des conventions qui peuvent se faire et se défaire au gré des majorités.

Je prétends qu'avec la modification du mariage et la GPA, l'Etat montre son vrai visage, celui de la bêtise totalitaire. Ce n'est pas parce que nos responsables politiques ne voient pas plus loin que le prochain sondage qu'ils ne sont pas dangereux.

Il faut, pour bien gouverner, la volonté de promouvoir le bien commun, l'intelligence de le formuler, et le courage de le défendre. A force de manquer des trois, la classe politique nous emmène dans une impasse. Le rêve d'une société rationnelle, transparente, efficace, égalitaire se fonde sur l'ignorance de la réalité humaine. Nous ne pouvons pas toucher à notre mode de reproduction sans bouleverser considérablement le système humain que nous formons. Si vous n'avez pas lu Huxley, c'est un bon moment pour commencer.

La famille joue un rôle tout à fait particulier, car elle est depuis toujours le lieu de construction de l'identité personnelle et partant, la base de la société. Du fait de sa localité, elle préserve la diversité des personnalités. Du fait de son ancrage anthropologique, elle garantit un fonds commun qui fait de nous des semblables.
Autrement dit, chaque famille a son histoire, ses rites et ses valeurs - donc sa culture. Toute société basée sur des individus élevés en famille est obligée de composer avec ces différences, et de déployer des efforts de compréhension mutuelle.

Cette irréductible diversité s'oppose à l'Etat moderne dont la tâche est d'édicter des normes, et non de favoriser le débat. Et les normes s'appliquent mieux dans un milieu uniforme. Les Etats totalitaires, les révolutionnaires de tout poil ont toujours appelé les jeunes à se détourner de leurs parents, voire à se retourner contre eux. Il ne s'agissait pas tant de récupérer les forces vives de la nation, que de détruire la réalité sociale qui s'oppose à la volonté de puissance de l'Etat.

C'est pourquoi il faut prendre très au sérieux la fragilisation que subit la famille, et ne pas rire des prétentions de l'Etat à la remplacer dans son rôle de construction de la personne. Je n'appelle pas à retourner aux années 50 - que je n'ai pas connu mais n'idéalise pas -, mais j'appelle à réfléchir à ce que nous sommes en train de faire.

Et ce que nous sommes en train de faire avec le mariage pour les homosexuels, c'est de déconner! Nous ne sommes pas en train d'étendre le mariage pour y inclure les couples homosexuels, mais de le dénaturer pour l'adapter aux désirs infantiles de toute-puissance des couples de la modernité libérale (qu'ils soient homosexuels ou non d'ailleurs).

Vérité ou Action 

Si vous êtes parvenus jusqu'ici, il vous reste trois possibilités sauf oubli de ma part (et vos suggestions sont en ce cas les bienvenues)
- m'indiquer où je fais une erreur
- soutenir le projet du gouvernement en assumant sa visée totalitaire
- vous engager activement dans l'opposition à ce projet
Pour ma part, je serai toujours pour rappeler à l'Etat que c'est la société civile qui le crée, et pas le contraire.